Ce blog est en partie constitué de témoignages issus du forum de la F.F.S.B.

Langage technophile


L’humanisme technophile

La technophilie exprime une appréciation positive à l’égard de la technique. Repérable de tous temps, elle n’a revêtu une importance réelle qu’à partir du XVIIIe siècle avec la philosophie des Lumières.
Sa forme générale est une instrumentalisation anthropocentrée. Ceci signifie que les techniques sont définies comme un ensemble d’outils, de moyens, d’instruments au service de l’humanité. La technique n’a donc de sens et de légitimité que par rapport à une certaine conception de l’homme – une anthropologie –, qui détermine la « vraie nature humaine », ses « besoins authentiques ». La technique doit permettre la satisfaction de ceux-ci et, par conséquent, l’épanouissement de l’être humain.
L’humanisme technophile nourrit une confiance optimiste dans la nature humaine. Celle-ci est foncièrement bonne. Les problèmes de l’humanité sont donc des problèmes techniques, solubles par le développement des arts et des sciences. Ces problèmes sont relatifs à la nature (qui doit être dominée et exploitée par et pour l’humanité) et à la société (qu’il faut organiser d’une façon juste et fonctionnelle, avec une attention particulière pour l’éducation).
Le progrès des sciences et des techniques coïncide avec celui de l’humanité et le développement d’une « culture technoscientifique » universelle.
L’humanisme technophile caractérise les penseurs qui se réclament des Lumières, mais aussi les philosophes proches du pragmatisme, les héritiers du marxisme et quelques post-modernes.
D’une certaine manière, pour les citoyens fortunés des sociétés développées, ayant librement accès à toutes les techniques et au grand marché (aussi culturel) du monde, l’utopie de l’humanisme technophile serait réalisée et la fin de l’histoire aurait eu lieu.

C'est donc avec les Lumières que débute une course de plus en plus profonde pour instrumentaliser et objectiver le réel... pour objectiver le langage...



Les Lumières

"Les Lumières" est l'expression consacrée pour désigner en France, le phénomène européen dénommé "Enlightenment" en Grande-Bretagne et "Aufklärung" en Allemagne.
Qu'est-ce que les Lumières ? Sont désignés ainsi les intellectuels français qui ont propagé la confiance humaniste dans les facultés humaines - la raison, mais aussi l'imagination et la volonté - pour connaître le monde et (re)construire la société.
Les Lumières ont réuni de nombreuses personnalités puissantes et originales. Nous ne mentionnons ci-dessous que les plus marquantes, sans dessein d'exhanstivité : Montesquieu, Voltaire, La Mettrie, Rousseau, Diderot, Condillac, Helvétius, D'Holbach, Grimm, D'Alembert, Buffon, Quesnay, Turgot...

L’appellation plurielle « les Lumières » invite à une approche globale tout en soulignant la multiplicité.
Ce qui caractérise peut-être le mieux le XVIIIe siècle français est le bouillonnement d’idées.
Une effervescence généralisée de l’intelligence et de la sensibilité, qui va avec l’usage libéré et confiant des facultés de l’homme.
L’époque est à la critique et à l’imagination, à la polémique, à l’échange, à la communication publique, car il faut que l’humanisme se propage.
La confiance humaniste dans les « lumières naturelles » cristallise autour de la foi dans le progrès.
La confiance humaniste concerne la capacité des hommes d’améliorer, grâce au développement des sciences et des techniques ainsi qu’à la réforme de la société, leur condition terrestre.
Les Lumières ont le souci d’être utiles au genre humain et valorisent les plaisirs et le bonheur. Une importance tout à fait déterminante est attribuée à l’éducation. Celle-ci va de pair avec la volonté de communication, d’échange et de publicité, ainsi qu’avec le désir de lutter contre l’obscurantisme, car une grande partie des maux vient de l’ignorance.
Mais, plus fondamentalement, le souci pédagogique des philosophes procède de leur croyance dans la relative malléabilité de la réalité humaine. L’individu est le produit de son temps et de son lieu ; la société peut-être reconstruite ou réformée ; l’humanité est perfectible.
La vocation des intellectuels est de travailler à ce perfectionnement en éclairant les citoyens, mais aussi les dirigeants, qu’il convient d’aider à concevoir les bonnes réformes et à prendre les bonnes décisions.
Le souci pédagogique des Lumières passe, le plus souvent, par le despotisme éclairé.



"Le dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers" ou Encyclopédie est l’entreprise qui incarne le plus parfaitement l’esprit des Lumières.
Ouvrage collectif, mais avant tout l’œuvre de Diderot qui y consacra près de la moitié de son existence.

Quels sont les aspects du l’Encyclopédie qui représentent si bien l’esprit des Lumières ?

- L’objet même de l’entreprise : il s’agit d’une somme détaillée du savoir théorique et pratique de l’époque. Elle constitue un acte de foi extraordinaire dans le progrès des sciences et des techniques, fruits des facultés humaines et instruments du progrès général de l’humanité.
Les techniques sont tout particulièrement bien représentées, grâce à l’effort personnel de Diderot. Elles attestent la confiance dans la capacité humaine de modifier concrètement la condition de l’homme.
- La volonté pédagogique : l’Encyclopédie constitue un outil pédagogique extraordinaire et indépendant de l’enseignement qui était complètement entre les mains de l’Eglise.
L’ouvrage est le véhicule d’une nouvelle culture, dont les valeurs sont la raison et l’action, la vie terrestre et l’avenir de l’humanité, le mieux-être et le progrès, la tolérance et la liberté, l’avancement des techniques et des sciences.
- La visée universaliste : elle exprime l’ambition rationaliste des Encyclopédistes et leur volonté de traiter tous les êtres humains d’une manière égale. L’universalisme de l’Encyclopédie se manifeste sous plusieurs formes : (a) le contenu : scientifique et technique pour l’essentiel, il se veut objectif ; (b) le langage : clair, direct et accessible, sans difficulté inutile (c) le public visé : il est illimité ; l’importance accordée aux métiers et aux arts montre que l’Encyclopédie n’a pas seulement les intellectuels pour cible.

La constitution d'une société dans laquelle l'individu puisse à la fois rencontrer la satisfaction de ses besoins, le bonheur et un maximum de liberté, est la préoccupation fondamentale des Lumières. Elle est déjà au centre de L'esprit des lois de Montesquieu, qui voit dans la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) une condition et une garantie pour les libertés personnelles.
Un autre Encyclopédiste, le docteur François Quesnay (1694-1774), est le fondateur français de l'économie politique et le chef de file de la physiocratie. Il croit qu'une science de la production, de la distribution, de l'échange et de la consommation des biens est possible au plan de la société globale, et qu'elle doit servir de base à une politique rationnellement informée. Ces thèses jettent les bases d'une appréhension de la société inspirée par la méthode scientifique et par la confiance dans l'efficacité de réformes techniques imposées par un pouvoir fort et éclairé.

Quelle est le rapport que les Lumières ont entretenu avec le monde Sourd ?

Leibniz avait en son temps dénoncé chez les sourds et les aveugles une double différence : l’une relevant de leur spécificité sensorielle, d’ordre naturel, qu’il fallait respecter, l’autre, beaucoup plus insidieuse, résultant de l’acharnement souvent déplorable de leurs éducateurs qui niant leur particularité provoquaient l’autre différence, celle due à une instruction inadaptée.
C’était déjà reconnaître tout le danger pouvant couver sous le masque de la philanthropie.
Cette différence due à l’éducation faisait justement l’objet des plus grandes attentions chez Condorcet qui désirait par l’étude et la science réduire les inégalités parmi les hommes, rappelant dans son « Fragment sur l’Atlantide… » un retour à l’âge d’or de l’humanité, celui du savoir et de la raison équitablement partagés.

Pour Denis Diderot, « Pereire doit sa méthode à son génie ».
Ainsi, la situation de « premier instituteur des sourds-muets en France » paraissait bien assise. Parfaitement intégré en France, il élevait les enfants dans la religion des parents. Certes, il n’avait formé aucun disciple ni édité aucun ouvrage précisant sa méthode. Mais aucun concurrent ne semblait faire de l’ombre à sa réputation quand survint l’abbé de l’Épée.
Un violent affrontement se produisit entre les deux pédagogues aux conceptions opposées : parole et gestualité, enseignement payant et gratuité, pédagogie individuelle et enseignement collectif.
En moins de deux décennies, la notoriété de Pereire fut totalement éclipsée par celle de l’abbé de l’Épée.
Pour ses amis, et plus tard ses descendants, cette situation constituait une injustice. Près d’un siècle plus tard, sa famille voudra honorer sa mémoire par la création d’une école recourant à la « méthode orale » et la promotion des premiers « congrès internationaux pour améliorer le sort des sourds-muets » aux conséquences désastreuses.

En 1751, J.-R. Pereire présente devant l’Académie royale des sciences un autre élève, Saboureux de Fontenay, pour montrer son degré d’éducation et son élocution.
Dans son « histoire naturelle », Buffon écrivait :« Nous avons vu ce jeune homme sourd et muet à l’une de nos assemblées de l’Académie ; on lui a fait plusieurs questions par écrit ; il y a très bien répondu, tant part l’écriture que par la parole . Les résultats sont plus que suffisants pour démontrer qu’on peut, avec de l’art, amener tous les sourds et muets de naissance au point de commercer avec les autres hommes.»
En 1751, Diderot avait également interrogé l’un des élèves de Pereire. Sa « Lettre sur les Sourds & Muets à l’usage de ceux qui entendent et qui parlent » proposait une historicité des langues : dans les premiers temps, les hommes communiquaient selon un mélange de cris et de gestes. Condillac avait exposé ces conceptions dans son « Essai sur l’origine des connaissances humaines », en 1746. Les gestes véhiculaient le sens mais les cris s’y substituèrent progressivement, donnant naissance aux langues orales arbitraires.
Condillac affirmait que les sourds n’avaient ni idées abstraites ni mémoire, car elles demandent des symboles, c’est-à-dire le langage ; après avoir un peu fréquenté les sourds, à l’école de l’abbé de l'Epée, il changea cependant d’opinon et tenait à l’honneur de faire justice de ce silence outrageant et de mettre le sceau de la vérité et de l’immortalité à l’oeuvre de son illustre contemporain l’abbé de l’Epée.



Page précédente - Page suivante

Aucun commentaire: