Ce blog est en partie constitué de témoignages issus du forum de la F.F.S.B.

La voix au chapitre

Source : documentaire "La voix au chapitre" diffusé dans "l'oeil et la main"
[Texte posté sur le forum de la FFSB]


Voici les interventions
- du socio-linguiste Pierre Encrevé,
- de l'historien sourd Yann Cantin
- et du linguiste Christian Cuxac,





      Septembre 1880, un congrès international se tient à Milan sur l’éducation des sourds.

      Dans son article I :
      « Le Congrès déclare que la méthode orale doit être préférée à celle de la mimique pour l’éducation et l’instruction des sourds-muets. »





Pierre Encrevé :

Vers 1760, l’abbé de L’Epée avait créé la première école pour sourds. La première institution ou les sourds s’exprimaient en LS, apprenaient à développer cette LS et passaient à la compréhension du français écrit par la LS. Avec des professeurs eux-mêmes sourds s’exprimant en LS. La France était très en avance. C’est la première nation au monde qui a un enseignement de ce type.




        Le père fondateur




Yann Cantin :

L’abbé de L’Epée a créé une méthode d’enseignement basée sur des signes très proche de ce que l’on appelle aujourd’hui le français signé. Il les a appelé les signes méthodiques.
Voilà ce qu’il a mis en place.
Le vocabulaire utilisé, quant à lui, venait de la communauté sourde. Il se l’est approprié et l’a modifié dans le but d’enseigner. Il a créé une méthode. Il n’est pas à l’origine de la LS.

Christian Cuxac :

L’abbé de L’Epée, peut-être sans le savoir, fait cette formidable découverte que les sourds ont toujours communiqué entre eux par gestes. Il suffisait qu’ils se rencontrent. S’ils se rencontraient à plusieurs, ils fondaient, ils créaient, ils inventaient une micro-communauté pratiquant une langue visio-gestuelle.
Son coup de génie sera d’institutionnaliser ça.

Yann Cantin :

Jacob Rodrigues Pereire n’était pas uniquement axé sur l’oral. Il utilisait la dactylologie comme support de la parole. Après le Congrès de Milan ce sera différent, il n’y en aura plus que pour l’oralisme. Pereire a utilisé la dactylologie et l’oral comme outil. Il enseignait dans les milieux aisés car il se faisait payer cher.
Au début de sa carrière, il choisissait de préférence des enfants sourds qui avaient déjà reçu l’instruction de moines sourds en LS. Les enfants arrivaient à bien parler grâce à leurs bases en français.
En fin de carrière, lorsqu’il a enseigné à des sourds à qui l’on n’avait jamais rien appris en LS, les résultats sont restés mitigés. Alors qu’à ses débuts ils étaient manifestes.

L’esprit de la Révolution française et la philosophie de l’abbé de L’Epée se rejoignaient.
Pour commencer, l’abbé de L’Epée dispensait un enseignement gratuit et ouvert à tours car l’Eglise s’inquiétait du sort de ces sourds qui n’avaient reçu aucune instruction religieuse et qui risquaient l’enfer après leur mort. Il fallait donc leur montrer la voie.
La Révolution française y voyait un enseignement gratuit ; pour elle, c’est qui primait. Ca allait dans le sens des institutions publiques, de l’élargissement du droit de vote et de l’égalité grâce à cet enseignement public.
Par ailleurs, les effets de la scolarisation se retrouvaient dans la diminution de la mendicité et une augmentation du niveau de vie, qui étaient l’objectif même de la Révolution française : l’égalité pour tous.

Pierre Encrevé :

La Révolution reconnaît l’apport de l’abbé de L’Epée. En 1790, elle le décrète « bienfaiteur de l’humanité »
On peut dire qu’en 1789-1790 la Révolution française reconnaît totalement les droits linguistiques de l’homme. La liberté d’expression et de communication : parler et écrire librement comprend à la fois le droit d’écrire et de parler en breton, de lire les lois et décrets dans les différentes langues régionales, mais aussi le fait de pouvoir s’exprimer en LS.
On peut dire que c’est un moment idéal pour les droits linguistiques.

Christian Cuxac :

Grâce à l’expérience de l’abbé de L’Epée, se fonde une communauté nationale de sourds qui passe à plusieurs milliers de personnes. On n’est plus du tout dans les mêmes chiffres quantitatifs. Et sur le plan qualitatif aussi ; une énorme avancée grâce à l’expérience de l’abbé de L’Epée. La LS, qui était une langue de la vie quotidienne, une langue des échanges quotidiens, devient une langue institutionnelle de transmission des différents savoirs.
On va pouvoir faire des cours de géographie, d’histoire, de sciences naturelles en LS.
Grâce à la LS, langue première, en travaillant sur le sens, on va permettre aux sourds d’accéder à leur autre langue, celle qui va leur permettre la socialisation avec le monde des entendants : la langue écrite.





        L'âge d'or




Yann Cantin :

Avant l’abbé de L’Epée, les sourds étaient ouvriers, artisans, mendiants. Très peu sortait du lot. L’action de l’abbé de L’Epée a permis aux sourds d’accéder à un meilleur niveau de français écrit, à des métiers mieux considérés, et donc à une vie meilleure.
Le propos n’était pas à la reconnaissance identitaire, mais une vie respectueuse des préceptes religieux.

Christian Cuxac :

Dans son expérience l’abbé de L’Epée invente un nouveau métier pour les sourds : professeur auprès des enfants sourds.
Du vivant de l’abbé de L’Epée, il n’y aura pas un professeur ayant ce titre auprès des enfants sourds. Mais dès la génération suivante, avec celui qui va prendre le relais de l’abbé de L’Epée, l’abbé Sicard, il y a sous la direction et dans l’établissement de Sicard deux professeurs sourds : Jean Massieu et Laurent Clerc.

Yann Cantin :

Le changement va mettre du temps à se propager dans la société. Mais pour les sourds, être capables d’écrire signifiait être à égalités avec les entendants, pouvoir faire son chemin et progresser. Ca été un déclencheur.
Il existait bien quelques sourds lettrés auparavant, mais peu et ils passaient inaperçus. Par la suite il y en a eu beaucoup plus.

Pierre Encrevé :

Pendant un siècle la France est vraiment un modèle. Les droits linguistiques des sourds sont absolument respectés. Ceci est totalement exemplaire car au même moment en Allemagne se développe un enseignement inverse, qui est du côté de l’oralisme exclusif.
C’est-à-dire qu’en France aussi, étant donné qu’il y a beaucoup de variétés dans la surdité, un certain nombre de sourds, en plus de la LS, accédaient plus ou moins selon leurs possibilités et leur volonté à l’oral.

Yann Cantin :

Comme je l’ai expliqué, l’abbé de L’Epée et Pereire étaient rivaux.
Pereire et son enseignement n’ont pas survécu à la Révolution. Son fils n’a pas repris le flambeau. Il faudra attendre l’intervention de ses petits-fils, entre 1825 et 1835, à la fin de la dernière monarchie. Alors que l’enseignement de l’abbé de L’Epée avait ses fidèles partisans. Les petits-fils de Pereire retrouvent ses écrits, entreprennent de redorer son blason et de promouvoir à nouveau ses idées et de les remettre au goût du jour.
Ils étaient dans la finance et à l’origine des chemins de fer, ils brassaient énormément d’argent. C’est ce qui leur a permis de financer la création d’une école conçue comme un laboratoire de l’oralisme.

Christian Cuxac :

Dans les institutions nationales, il faut être suffisamment compétents en LS.
Qui est juge de la compétence des enseignants entendants en LS ? Ferdinand Berthier, qui est souverain, qui regarde : « Ah non, pas lui ! Lui, ça va…Lui à peu près… » Alors vous imaginez ! En plus Berthier vient d’obtenir la légion d’honneur… Il commence à y avoir des jalousies très profondes entre les enseignants entendants et ces prestigieux enseignants sourds que sont Berthier ou Péllisier.
Péllisier qui est un autre enseignant, fait paraître des recueils de poèmes… et il est sourd. Alors que, souvent, les professeurs entendants eux restent anonymes… donc des jalousies.

Yann Cantin :

Entre 1790 et 1820, la période est … disons plus axé sur l’enseignement et la place de l’écrit. Il y a une volonté de transmission, mais on n’est pas encore dans la revendication identitaire.
La situation commence à se dégrader et c’est là que les sourds se constituent en association et se mettent en action.
Nous sommes en 1823 et l’abbé Sicard vient de décédé, et le nouveau directeur placé à la tête de Saint-Jacques impose l’usage de l’oral.
Les professeurs sourds sont alors relégués au simple rang de répétiteurs et vont manifester leur profond désaccord.

Christian Cuxac :

Seulement à ce moment-là, dans les institutions nationales de jeunes sourds, il y a de vieux profs entendants qui signent bien et défendent la LS. Il y a Bebian, un professeur entendant qui signe comme un sourd et va prendre fait et cause avec les sourds contre ces nouvelles mesures. Et puis bien sûr, il y a les professeurs sourds – et qui se posent là ! Ils sont quand même quelques-uns… et tous y vont de leur réfutation de ces nouvelles mesures. Et il y a une révolte des élèves. Les élèves se mettent en quelque sorte en grève. Vous imaginez, en 1830 ! Une grève d’élèves dans un institut spécialisé pour mettre un terme à cette volonté de minimiser progressivement la LS.
Tout au long du XIXème siècle, il va y avoir des luttes comme celle-ci.

Pierre Encrevé :

D’une manière générale, on peut dire qu’on est dans une phase, après la guerre de 1870… pour ce qui est de l’enseignement et l’éducation, la France va être fascinée par l’Allemagne.
L’école obligatoire n’est pas du tout une notion française. Ce n’est pas la République, comme on dit souvent. C’est la mission de Bismark, c’est la Prusse. On va s’aligner sur le modèle prussien pour l’école obligatoire, s’aligner sur le modèle prussien pour l’université. On va essayer de reconstruire l’université française sur le modèle prussien. De construire, parce qu’il n’y avait pas une vraie université française, au sens allemand.
On va également s’aligner sur le modèle allemand pour l’éducation des sourds.
A cause de l’annexion de l’Alsace-Lorraine, il y a un resserrement autour de l’unité française et donc de l’uniformité française, de l’unique langue française. Et un refus du droit à la différence : différence linguistique, et beaucoup d’autres…



      Les adeptes de l’oralisme pur organisent deux congrès, en 1878 et 1879, réunissant des spécialistes de l’éducation des Sourds.
      Ils espèrent un vote majoritaire qui influencerait les politiques nationales d’éducation.





Yann Cantin :

En 1878 à Paris et en 1879 à Lyon, les sourds ont eu la chance de pouvoir intervenir et de couper court au débat. Résultat, ils ont pu conserver la LS, en ajoutant un peu d’oralisme. Mais la langue des signes a été maintenue.
A Paris, les sourds étaient nombreux, à Lyon aussi. A Paris ils étaient nombreux à Saint-Jacques. A Lyon, il y avait plusieurs instituts de sourds signeurs.
C’est alors qu’il a été décidé d’organiser secrètement un congrès à Milan l’année suivante.

Christian Cuxac :

Ce sont donc les petits-fils Pereire qui ont financé la participation au congrès de Milan. Donc, voyage tous frais payés à condition que la personne dont ils financent le voyage et l’hébergement leur convienne.







        Le congrès de Milan






Yann Cantin :

Pourquoi pas Berlin ? L’Allemagne à l’époque était championne de l’oralisme.
Alors pourquoi l’Italie ?
Eh bien, parce que la France et l’Allemagne sortaient de la guerre de 1870. La France vaincue avait perdu du territoire et si le congrès avait eu lieu en Allemagne, les Français auraient refusé d’y aller. Et en France la LS aurait pu perdurer. Si l’Italie a été choisie c’est à cause du lien fort qu’elle avait avec la France. En 1860, l’Italie avait accepté la remise de Nice et de la Savoie à la France. Leurs relation étaient meilleures qu’avec l’Allemagne. Les Italiens ont donc accueilli le congrès, et les Français ont accepté de s’y rendre.

Christian Cuxac :

Ce congrès qui va durer une semaine et s’ouvrir en septembre 1880 à Milan va réunir des spécialistes de l’éducation des sourds.
Pour donner une idée de la représentativité internationale de chacun des pays participant au congrès de Milan ; pour la France environ 80 participants, pour l’Italie pas loin de 160… Chiffre total des participants : 260… 256 à quelques individus près.
On voit tout de suite que la représentation du reste du monde, à part la France et l’Italie, est vraiment peu représentative.

Yann Cantin :

Une poignée d’extrémistes souhaitait la suppression totale de la langue des signes et l’oralisme sans partage. Ils avaient sélectionné quelques enfants sourds italiens qu’ils ont présentés à l’assemblée. Tous avaient une voix magnifique, preuve de la réussite de l’oralisme. En fait, ces enfants étaient devenus sourds depuis peu. Ils avaient conservé leur voix. L’assemblée a été conquise et a voté oui. Les 80% de Français et d’Italiens qui constituaient l’assemblée ont voté pour, et les Américains, les Anglais et les Suédois contre.
Mais comme ils étaient minoritaires, le résultat a été celui qu’on sait.
La langue des signes a donc été ouvertement et totalement bannie. Le congrès a opté pour l’oralisme à 100%.
A partir de ce moment-là, les deux premières années passées dans un institut étaient consacrées à la « démutisation » de l’élève. Et ce n’est qu’ensuite qu’il apprenait à écrire.

Christian Cuxac :

Il y a un sourd qui arrive malgré tout en payant à ses frais la participation au congrès. Il n’aura pas de chance, il n’y a pas d’interprète, et donc la plupart des débats lui passeront au-dessus de la tête. Peut-être même n’aura-t-il pas vu, n’aura-t-il pas compris l’événement qui était en train de se dérouler autour de lui faute de pouvoir communiquer en langue des signes.
Le débat se clot en préconisant l’interdiction absolue d’utiliser la LS dans les établissements scolaires, et le congrès de Milan se clot sur le cri (quasi) unanime de : « Vive la parole ! »
Les seuls réfractaires à ce qui était en train de se produire, ce coup monté – disons-le, c’était un coup monté ! – eh bien, ce sont les Américains qui avec leur tradition gestuelle ont très mal pris ce qui se déroulait à Milan… et sont partis avant la fin du congrès en claquant la porte.
Ce qui va faire des Etats-Unis le seul pays à n’avoir pas suivi les recommandations prises à Milan. On comprend aussi pourquoi les Américains ont si durement réagi aux décisions du congrès de Milan. C’est aussi une période pour eux où on est pratiquement dans une situation inverse : d’ouverture des frontières, d’accueil d’un maximum de migrants… peu importe la langue pourvu qu’ils viennent. On s’arrangera toujours pour communiquer. Donc une situation de pragmatisme à outrance. Et aussi, peut-être le plus dur problème communautariste que les Américains ont eu à résoudre jusque-là, qui a été celui des Indiens est pratiquement résolu depuis quelques années… Donc par l’extinction ou le quasi-génocide de la population indienne. Ils ne sont plus du tout dans ces problèmes-là. Ils sont au contraire dans l’ouverture et une certaine générosité à l’égard de ce qui peut être différent.

Pierre Encrevé :

Je suppose qu’une des raisons, c’est aussi le lien avec le colonialisme.
La IIIème république est colonialiste et veut imposer un modèle de civilisation aux populations qui sont considérées, hélas !, comme inférieures. Donc il faut les élever à notre niveau. C’est aussi déni total du droit à la différence, un déni des droits de l’homme extrêmement grave. Mais en toute bonne conscience, la IIIème république pense qu’elle doit développer un modèle idéal de l’homme français, occidental. Et dans ce modèle idéal, il n’y a pas de place pour les sourds. Le sourd ne correspond pas au modèle idéal.

Yann Cantin :

La période qui s’étend de 1870 à 1880 est assez terrible avec cette image de l’être humain de race blanche, supérieur. Darwin était passé par là, aux alentours de 1840, avec sa théorie de l’évolution des espèces et de la sélection naturelle par l’adaptation des plus forts.
Cette théorie a été reprise par son neveu, qui l’a appliquée aux groupes humains : les peuples les plus adaptés luttant pour leur survie tandis que les plus faibles disparaissent.
Le tout est véhiculé par une Europe puissante qui construisait des usines et des bateaux à vapeur en comparaison d’une Afrique sous-developpée.
A l’époque, cette idéologie instituait une hiérarchie des races et l’Européen à peau blanche se trouvait en haut de l’échelle.

Pierre Encrevé :

Cette volonté est liée, dans toute cette époque, à ce que Michel Foucault appelait la montée du contrôle social, ce qu’il appelle aussi le bio-politique. Le contrôle social du corps. Il y a un contrôle social général, mais le contrôle social du corps va être extrêmement fort. Lié à l’hygiénisme, au développement de la médecine et énormément de choses qui y sont associées.
Et parler en gestes est ressenti comme un non-contrôle du corps.

Christian Cuxac :

Il y a ceux qui ont une sainte horreur des signes, car le signe c’est vulgaire, c’est grossier, alors que la parole est spirituelle… enfin bon, on voit tout ce discours auquel on était habitué. Déjà au XVIII ème siècle, contre l’abbé de L’Epée, il y a eu des discours un peu similaires : « L’élévation de la pensée, c’est par la parole car c’est abstrait. Les signes ça colle à la chose. » Vous avez ce curé qui dénonce les signes en disant : « Le problème avec les signes, c’est la répétition. Les signes répètent l’action car c’est du langage d’action. » C’est comme ça qu’il appelle les signes. Il dit encore : « Ils sont amenés à répéter l’action, donc à refaire. Imaginez un sourd venant au confessionnal pour se confesser d’une mauvaise action. Il est obligé de répéter cette mauvaise action. » On imagine ce qu’il a en tête.





        Après le congrès de Milan





Christian Cuxac :

Après Milan, il y aura des discours horribles sur les sourds, sur la communauté des sourds, que jamais personne n’aurait osé tenir avant. Car avant il y avait des profs sourds, parce qu’avant il y avait Berthier. Parce qu’avant il y avait aussi des professeurs entendants qui défendaient l’idée que, pour les sourds, le mieux c’est quand même d’utiliser la LS.
Le discours par exemple de Rognard, qui est inspecteur de l’Education nationale – je ne sais plus s’il était inspecteur de l’Education nationale ou auprès du ministre de l’intérieur mais il est inspecteur – et il déteste la langue des signes, il déteste les sourds et il défend l’idée de créer des colonies agricoles où les sourds seront massés… un peu comme du bétail ou des sous-hommes… travaillant la terre pour nourrir l’extérieur, etc., dans un monde complètement clos et complètement fermé comme une espèce de goulag. Tout simplement parce qu’ils sont sourds.

Yann Cantin :

Dans les instituts, les sourds signeurs et les oralistes ont été séparés. Ils n’ont plus entretenu aucune relation. Leurs emplois du temps et heures de sortie ont été décalés pour éviter qu’ils ne se rencontrent et dans le but de couper les liens qui les unissaient.
En 1886, les établissements scolaires sont devenus totalement oralistes. Les enfants ne savaient plus signer, ils oralisaient, ils suivaient le mouvement.
Les sourds plus âgés ont alors cherché les moyens des les ramener vers leur communauté. Pour leur transmettre cette LS, ils sont allés les chercher à la fin des cours pour les réunir autour d’un verre. Mais c’était insuffisant, le lien entre les générations s’est petit à petit relâché.

Pierre Encrevé :

Donc il y a non seulement l’interdiction de l’usage mais même l’interdiction de la transmission. Il y a donc au fond la volonté d’éradiquer une langue naturelle. Langue naturelle que Montaigne considérait comme la langue naturelle de toute l’humanité.
C’est un événement extrêmement grave dont on ne prend absolument pas conscience.
Et jusque Mai 68, la question n’est pas reposée.
Après Mais 68, toutes les questions de libertés sociétales reviennent.

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