Langages Premiers

En 1815, Gallaudet rencontra Sicard et trois de ses meilleurs élèves, Massieu, Godard et Clerc, qui avaient fui le retour de Napoléon lors des Cent Jours.
Au cours de séances, Massieu et Sicard répondaient par écrit aux questions subtiles du public sur l’entendement, l’imagination, le langage naturel, leur souffrance relative à la perte d’un sens.
Posait-on la question de savoir ce qu’était leur sentiment envers leurs bienfaiteurs ? Massieu répondait poétiquement que la reconnaissance était la mémoire du cœur.
Clerc et Massieu rivalisaient en finesse et intelligence. Leurs réponses renvoyaient au premier langage des hommes, selon Rousseau, pour lequel le sentiment précéda la raison.
Les premières langues furent celles de poètes et non de géomètres.
Ce que confirmaient l’iconicité des signes et l’extension de termes concrets aux abstractions par le biais de telles analogies.
Gallaudet demanda à visiter Paris où Sicard le reçut en 1816, Massieu et Clerc le formant à la méthode gestuelle française.

Yves Bernard





En remontant du paléolithique jusqu’aux temps des Grecs, un point n’a pas pu nous échapper : l’imposition d’un système partriarcal s’est enclenché simultanément avec une religion qui lui est encore associé : la raison... la « raison éclairée », la raison instrumentale, la raison du plus fort, etc.

L’histoire de la pensée occidentale ne doit pas être vue comme une accusation systématique à l’égard des supposés « responsables » de la déshumanisation actuelle des sociétés occidentalisées.
Mais plutôt une base de réflexion qui nous inviterait à faire un pas dans la bonne direction. Celle que Heidegger indique mais aussi celle que Robert Graves mentionne en nous rappelant que la Déesse-Lune exige de nous un emploi à temps plein.

Cet appel, ou ce rappel à la Nature, lié plus que jamais aux conséquences catastrophiques de l’occidentalisation technologique de la planète, est une nécessité, y répondre est de l’ordre de l’urgence...
Ce retour à la Nature est la réponse de millénaires d’égarement dans un système patriarcal corrompu par la lumière de l’esprit masculin vécu comme auto-suffisant, c’est-à-dire détourné et coupé de son rapport naturel et vital avec la « Mère », la Terre, c’est-à-dire aussi avec l’esprit féminin, avec la femme, avec le corps, avec les langages premiers.

Cette corruption technologique du langage opère une sorte « d’impérialisme mâle », une domination totalitaire des technosciences à l’égard des objets, de la Nature et, de plus en plus, à l’égard des corps et des esprits.

La tâche de l’homme est à présent d’accompagner sa Mère la Terre, afin de minimiser les effets de ses activités, de préserver les espaces naturels, de sauvegarder les espèces, mais aussi de soigner les plaies ouvertes du passé.
La tâche de l’homme est à présent de renouer son rapport naturel avec les langues naturelles et originelles...
Sa tâche enfin est de retrouver l’esprit féminin - celui de la Déesse-Lune, de la Terre-Mère, qui ne connaît aucune terminaison en "isme", comme « féminisme », qui est encore l’expression de la domination mâle sur la liberté d’expression des femmes -, les activités, les structures et les organisations qui lui sont associés.

Nous avions voulu voir, aux cours des siècles accumulés, des guerres de religion, des guerres politiques, des guerres économiques ou philosophiques, des guerres d’opinions ou des guerres d’intérêts commun... en fait, toute cette errance est le fruit de l’inquisition de l’esprit mâle qui, par le truchement de la guerre, impose sa domination intellectuelle (modèle inquisiteur d’Alexandre le Grand, par exemple, et de ses continuateurs) sans aucune capacité de percevoir qu'un autre modèle existe, du fait de s'en être détourné depuis trop longtemps.
A l’heure actuelle, l’esprit mâle est non seulement dégénéré par sa séparation d’avec son pendant féminin, mais aussi dénaturé par sa corruption à travers la technologie.

Nous avons besoin des modèles non-occidentaux pour retrouver un équilibre et, pour être plus précis ; les modèles exclusivement mâles plus que bi-millénaires doivent maintenant entrer en complétude avec le modèle féminin qui est à redécouvrir...

Le génocide perpétré sur le peuple des Nations Rouges (les Indiens d’Amérique) est l’expression même de l’errance et de l’arrogance de ce modèle qui ne peut accepter autre chose que lui-même. Car en effet, les Amérindiens étaient, et sont encore, les dépositaires d’un savoir ancêstral que les Anciens Grecs (pré-socratiques) connaissaient et que les Irlandais et les Gallois ont préservé quelque peu ; dépositaires de ce qui peut aujourd’hui sauver notre planète, la science exacte d’un rapport magique avec la Nature, en d’autres termes, l’amour authentique pour la Mère. Ils avaient la connaissance précise du culte de la Déesse-Lune et l’amour inaliénable et indestructible à l’égard de la Terre Mère.
Les Nations de l’Occident, et celles désormais occidentalisées, doivent impérativement laisser entrer « l’Autre Modèle », le féminin, qui nous vient, préservé, des Nations Rouges d’Amérique mais aussi du peuple de l’Inde, d'Afrique (et d’ailleurs encore) où le culte pour la Déesse est enraciné.







A moins de ce Retour à l’équilibre entre les pôles mâles et femels, c’est le monde humain tout entier qui risque d’entrer irrémédiablement dans le déni...
L’appel de la Nature doit lever les Nations comme un seul homme, car l’impératif aujourd’hui est notamment le maintient de l’Ecosystème global de la planète... l’harmonisation des structures dominantes avec les structures minoritaires et le monde naturel...
















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Source :

- Gilbert Hottois : « De la Renaissance à la Postmodernité », une histoire de la philosophie moderne et contemporaine. Ed. DeBoeck.

- Robert Graves : « Les mythes celtes », Ed. du Rocher.

- Yann Cantin, Christian Cuxac et Pierre Encrevé ; "La voix au chapitre", documentaire diffusé dans "l'oeil et la main"

- Yves Bernard : "Quelques traits de la pédagogie curative de l’enfant sourd. Une approche des problématiques de l’Antiquité au début du XXe siècle." Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine

- François Legent : "Approche de la pédagogie institutionnelle des sourds-muets jusqu’en 1900" Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine

- Bernard le Maire : "Histoire des sourds en Belgique, en France et dans les autres pays" Centre Robert Dresse, 1993