Ce blog est en partie constitué de témoignages issus du forum de la F.F.S.B.

Langage-Révolution


En 1776, l'abbé de l'Epée publia anonymement « L’institution des sourds et muets, par la voie des signes méthodiques, ouvrage qui contient le projet d’une langue universelle par l’entremise des signes naturels assujettis à une méthode ». Ce livre s’adressait à l’Europe entière et dut déranger bien des précepteurs, dont Pereire, qui tenaient leur méthode secrète.
En 1783, l’Académie de Zurich se prononça en faveur de l’abbé de l’Épée, retenant que l’on n’avait pas accordé suffisamment d’importance chez les sourds au pouvoir idéo-communicatif de signes universels qui véhiculaient le sens de manière plus directe que la parole. Les mots écrits pouvaient devenir l’image des signes comme ils l’étaient des paroles. Il n’était donc pas indispensable d’apprendre à parler pour savoir écrire.



En 1779, Pierre Desloges [un "devenu sourd"] publiait "Observation d’un Sourd et Muet sur un cours élémentaire d’éducation des Sourds et Muets."
Dans ce livre et dans deux lettres parues dans des journaux, l’auteur racontait les difficultés qu’il avait rencontrées depuis l’apparition de sa surdité à l’âge de sept ans :
« Abandonné à moi-même et n’ayant reçu aucune instruction depuis cette époque où je savais seulement lire et un peu écrire …».
Né près de Tours en 1747, ses parents le conduisirent à Paris à l’âge de 21 ans « pour y trouver asile » … « Mis en apprentissage contre le gré et l’avis de mes parents qui me jugeaient incapable de rien apprendre ; obligé de chercher de l’ouvrage pour subsister ; sans appui, sans protection, sans ressource ; réduit deux fois à l’hôpital, faute d’ouvrage ; forcé de lutter sans cesse contre la misère, l’opinion, le préjugé, les injures, les railleries les plus sanglants des parents, d’amis, de voisins, de confrères qui me traitent de bête, d’imbécile,…» … « Dans les commencements de mon infirmité, et tant que je n’ai pas vécu avec des sourds-muets, je n’avais d’autre ressource pour me faire entendre que l’écriture ou ma mauvaise prononciation. Je ne me servais que de signes épars, isolés, sans suite et sans liaison. Je ne connaissais point l’art de les réunir pour en former des tableaux distincts au moyen des quels on peut représenter ses différentes idées, les transmettre à ses semblables, converser avec eux en discours suivis et avec ordre ». C’est à Paris « qu’un sourd-muet de naissance, de nation italienne qui ne sait ni lire, ni écrire » l’initia au langage des signes à l’âge de 27 ans, 8 ans après son arrivée à Paris.


Pierre Desloges ne pouvait accepter sans réagir l’attaque de l’abbé Deschamps contre le langage des signes que l’instituteur méconnaissait. « Semblable à un français qui verrait décrier sa langue par un allemand, lequel en saurait tout au plus quelques mots, je me suis cru obligé de venger la mienne des fausses imputations dont la charge cet auteur (Abbé Deschamps ) ; et de justifier en même temps la méthode de l’abbé de l’Épée, laquelle est toute fondée sur l’usage des signes. J’essaie en outre de donner une idée plus juste qu’on ne l’a communément, du langage de mes compagnons sourds et muets de naissance qui ne savent ni lire, ni écrire, et qui n’ont jamais reçu d’autres leçons que celles du bon sens et de la fréquentation de leurs semblables ». Il expliquait que, quand il a commencé à rédiger son livre « pour la défense du langage par signes ou gestes, il ne pensait nullement à l’abbé de l’Épée. … Si la méthode de cet ingénieux Instituteur des sourds et muets se trouve défendue dans mon ouvrage, ce n’est qu’indirectement, c’est qu’elle s’est trouvée nécessairement liée à mon sujet, c’est que je n’ai d’abord voulu justifier la langue des signes que par des autorités et des exemples ».
Le mérite de l’abbé de l’Épée est d’avoir observé que « les sourds et muets avaient une langue naturelle au moyen de laquelle ils communiquaient entre eux : cette langue n’étant autre que la langue des signes, il a senti que s’il parvenait à connaître ce langage, rien ne lui serait plus facile que de réussir dans son entreprise. Le succès a justifié une réflexion aussi judicieuse. Ce n’est donc pas l’abbé de l’Épée qui a créé et inventé ce langage ; tout au plus, il l’a appris des sourds et muets ; il a seulement rectifié ce qu’il a trouvé défectueux dans ce langage, il l’a étendu et lui a donné des règles méthodiques ».

Cet ouvrage écrit par un sourd-muet dès 1779 pressentait l’enjeu du combat parole - mimique qui ne va pas cesser pendant deux siècles. Bien au-delà des discussions sur la pédagogie, il s’agit avant tout de la place des sourds dans la société et de la prise en considération de leur langue naturelle.

Dans ce combat, les discussions reprendront sans fin, avec les mêmes arguments et la même demande de la part des sourds-muets. Toute attaque de la langue des signes était désormais ressentie comme une agression à leur dignité, ce que certains partisans de la méthode orale pure ne comprirent pas.

L'accent est mis sur le fait que l'abbé de l'Epée a mis en place, plus encore qu'une méthode, "un nouveau rapport à la surdité" : la reconnaissance d'un langage naturel et par la même occasion de la personne sourde. D'autre part il reconnu également un certain potentiel révolutionnaire dans l'idée d'un langage universel.

L’abbé de l‘Épée avait considéré la gestualité des sourds comme une langue susceptible de perfectionnement, et l’avait assujettie à la grammaire et la syntaxe françaises. Il songeait à l’étendre aux nations européennes comme langue diplomatique afin d’instaurer la paix universelle dans la fin des disputes de mots. Pour rétablir la vérité, Pierre Desloges décrivait dans son livre une société silencieuse autonome à Paris, avec sa propre langue des signes, différente de celle de l’abbé de l’Épée, ayant une syntaxe et des procédés grammaticaux spécifiques.


Dès 1790, dans les documents officiels de la Convention, l’instituteur [l’abbé de l’Epée] était glorifié : « l’immortel l’Épée », « de l’Épée, dépositaire unique de cette précieuse méthode qui nous donne l’espérance de voir réaliser un projet d’une langue universelle ».
Un projet de décret de 1791 déclarait : « que le nom de L’Epée… serait placé au rang de ceux qui ont le mieux mérité de l’humanité et de la patrie ».
Pereire, « le premier instituteur de France », et ses méthodes pédagogiques, étaient totalement oubliés.
La création de deux écoles pour les « indigents sourds-muets », à Paris et Bordeaux, financée par la Nation, condamnait à la clandestinité la pédagogie individuelle de la méthode orale réservée aux enfants de nantis.



Au cours du Congrès [de 1878], un participant évoqua une relation de voyage d’un suédois qui avait rencontré Saboureux de Fontenay, le célèbre élève de J.- R. Pereire : « Il ne restait chez ce dernier, alors âgé d’environ 30 ans, aucune trace des leçons qu’il avait reçues . Or, il avait parlé devant les commissaires de l’Académie des sciences ».
Le directeur de l’école Pereire lui répondit « Au reste, dans ces circonstances, nous savons que beaucoup de sourds-muets soit par timidité, soit pour toute autre cause, hésitent à faire usage de la parole en présence de personnes étrangères ». L’instruction par la parole du plus célèbre disciple de J.-R. Pereire ne pouvait être un échec aux yeux des fidèles.








Si on ne parle pas de l’apport révolutionnaire de de l’Epée, on ne peut pas faire clairement le lien avec ce qui s’est passé, et ce qui se passe aujourd’hui, aux Etats-Unis…


Les sourds n’ont pas attendu de l’Epée pour vivre en communauté, pour communiquer par le biais d’une langue à part entière, une langue naturellement gestuelle, pour avoir une culture… ou pour être intelligents (sic !)

Alors qu’est-ce que l’abbé a apporté aux sourds ?

Ce fut lui, fils d’architecte du Roi, qui se tourna le premier vers les (...) sourds méprisés et illetrés pour leur dire « soyez mes maitres » Et cet acte d’humilité lui valut une gloire éternelle. C’est lui qui mérite notre gratitude car en se faisant l’étudiant de ses élèves, en cherchant à apprendre leurs signes, l’abbé s’est donné les moyens de les instruire et de jeter les fondements de l’éducation des sourds. C’est pour cela que les sourds du monde entier lui ont toujours pardonné de n’avoir pas vu que la langue des signes de la communauté sourde française était une langue à part entière, et non une simple collection de signes.
Anonyme, Considérations Générales d’un Sourd-Muet, 1887.


…les sourds demeuraient entre eux, signaient entre eux, et évitaient probablement de signer « aux yeux de tous »
Parce qu’ils étaient considérés comme des êtres inférieurs ? Ils se cachaient, et lorsqu’ils se montraient c’était sans doute pour mendier.
Pourquoi étaient-ils dans la mendicité ? Parce qu’ils étaient stupides ?
Ils étaient sans doute considérés comme « idiot » et donc aucune place n’existait pour la personne sourde dans la société entendante…

Les sourds étaient-ils simplement « socialement inexistant » aux yeux des entendants ?

Alors de l’Epée n’est pas, comme on le présente parfois, celui qui « sauve » les sourds…
Les sauver de quoi ? : de la misère humaine dans laquelle la société les contraignait, ou de la bêtise qu’on leur accordait sans même les côtoyer, ou encore du manque supposé d’instruction, ou enfin de l’état d’être inférieur dans lequel ils étaient scellés a priori par l’entendement limité des entendants…

De l’Epée est celui qui établit, qui met en place un statut où les sourds pourront commencer à exister, socialement parlant…
Quel statut ? En quoi les sourds ont-ils pu commencer à exister ?
Comme si les sourds avaient attendu de l’Epée pour exister… voilà un point qui n’est pas clair.
C’est comme si le monde des entendants avaient pris conscience, et seulement à partir de de l’Epée, « d’une autre manière d’être au monde », celle des sourds, par l’intermédiaire de la noblesse de cœur de cet abbé…
C’est comme si, avant lui, le monde des entendants n’était pas encore prêt ou disposé à comprendre et à observer une autre manière de vivre au monde que la sienne propre.
Est-ce que l’abbé était lui-même dans cette « prise de conscience » ?
Sans doute que oui, sans quoi le monde des entendants n’aurait pu s’ouvrir lui-même au monde des sourds que l’on commençait à peine à explorer…


Que dit-on généralement de l’abbé de l’Epée ?

Nous n'allons pas vraiment en faire l’inventaire, mais plutôt essayer de montrer en quoi ce qu’on en dit, de façon élogieuse, ne va pas forcément à l’avantage de l’abbé… et ce parce que cette façon de le présenter et de présenter l’histoire des sourds occulte des points qui nous semblent très importants…
Importants pour comprendre la suite de l’histoire et comprendre ce qui se passe aujourd’hui.

- les précepteurs comme Pereire (ou avant lui) s’occupaient des sourds (en général des « devenus-sourds ») nés de parents entendants riches, nobles ou illustres… afin d’assurer la descendance ou la réputation d’une lignée…
Ce qui, par la même occasion, conférait une certaine notoriété et réputation à Pereire lui-même…
Ce n’était peut-être plus aussi systématique qu’avec Pedro Ponce de Leon (1508-1584) mais en tout cas cet enseignement était privé et payant, réservé aux nantis.
L’abbé de l’Epée par contre s’est occupé des sourds sans privilégier les classes aisées : son enseignement était gratuit et publique, ouvert avant tout aux démunis.
L’abbé avait une certaine considération à l'égard les sourds… qu’il voyait malgré tout comme des infirmes dont il faudra réordonner la pensée grâce aux signes méthodiques
Est-ce cette manière d’aborder les sourds qui fera de l’abbé un « bienfaiteur » ?
Les établissements qui s’ouvriront plus tard pour accueillir cet enseignement basé sur la gestualité allaient devenir par la suite une sorte de refuge pour la langue naturelle des sourds, son apprentissage et sa transmission.


- L’abbé a inventé un langage à mi-chemin entre la langue naturelle des sourds (la LS de l’époque) qu'il a appris auprès des sourds mais qu'il n'enseignait pas, et la grammaire française de l’époque…
On dit souvent que, finalement, « la voie des signes méthodiques » ne représente pas l’apport réel de de l’Epée
Du reste, grâce à Bebian on reviendra à la langue des signes naturelle…
L’abbé aurait inventé une sorte de « langue-statut » ; une sorte de « français-signé » qui rendait la langue naturelle des sourds peu praticable, mais qui en contre partie donnait aux sourds l’estime des entendants, fascinés par le spectacle de la culture et surtout de la raison capable de « relever les êtres inférieurs de la bêtise et de la misère humaine. »
C’est significatif : l’abbé utilise une sorte de « français signé » qui manifeste clairement sa manière de considérer la personne sourde : un individu qui, de par son infirmité (terme qu’il utilise lui-même), use d’un langage naturel, sauvage, que la raison humaine - celle des entendants - peut parfaire, améliorer… et par la même occasion un individu susceptible d’être instruit et de recevoir la même connaissance que les entendants…
Pour Pereire (et l’ensemble des partisans de l’oralisme ?), la personne sourde est surtout un individu potentiellement « assimilable », modulable, corrélable, qu’on peut soumettre aux méthodes d’intégration qui visent « l’annulation » de l’aspect visible de ce qui était considéré comme un handicap ou une infirmité ; la lecture labiale et l’oralisation, en première ligne, sont parmi lesdites méthodes, la technique et les moyens utilisés pour parvenir au but…
Pereire comme de l’Epée fascinaient le public qui assistait au « spectacle »
Mais de quel spectacle s’agissait-il ? Celui qu’on retrouvera d’ailleurs en 1880 ?
Le spectacle fascinant de la méthode ; le public était captivé par la méthode et la raison grâce à laquelle de l’Epée et Pereire instruisaient/intégraient les sourds, les moulant dans l'univers des entendants... enfin visibles aux yeux des entendants, comme le dira lui-même de l'Epée dès le premier chapitre de son ouvrage de 1776 intitulé : « Pourquoi voit-on aujourd’hui plus de sourds et muets qu’il n’en avait paru jusqu’à présent ? », l’abbé pressentait l’impact de son « enseignement spectacle » : « Les exercices publics ont changé les choses. Ces enfants qu’on avait regardés jusqu’à maintenant comme des rebuts de la nature ont paru avec plus de distinction, et fait plus d’honneurs à leurs pères et mères que les autres enfants. ... On montrait ces acteurs de nouvelle espèce avec autant de confiance et de plaisir qu’on avait pris jusqu’alors de précautions pour les faire disparaître. La surdité, qui semblait ne devoir être le partage que de ces hommes qui mendient leur pain dans la rue en tenant une petite sonnette ne paraît plus qu’une de ces difformités corporelles dont les conditions les plus élevées ne sont point exemptes et aux inconvénients de laquelle il est facile de remédier ».

C'était sans doute très valorisant pour les partisans laïques de cette nouvelle religion de la logique...
Il faut replacer ces événements dans le contexte de l’époque où les philosophes des Lumières avaient laissé leurs traces et leurs goûts prononcés pour les sciences naissantes, pour l’esprit rationnel capable d’améliorer la condition humaine par la technique… et l’espoir d’un bonheur social et matériel associé…


- Du côté du privé, le but c’est toujours l’intégration ; le statut de descendant et héritier d’une lignée est très important puisque c’est en rapport avec ce statut social que l’oralisation est née, pour ainsi dire…
L’apprentissage de la parole est donc étroitement associé à l’intégration en milieu entendant, lié au prestige, au pouvoir et aux ressources financières d’une lignée, et au fait d’assumer un statut social qu’on dira de « noblesse », lié à la réputation, etc.
(c’est aussi ces lignées de riches héritiers qui financeront les futurs congrès dont celui de 1880 à Milan… la famille Pereire et Bell en sont certainement les deux les plus influentes)
Par contre, avec de l’Epée, on a l’impression que cette question est inexistante : pourtant l’abbé œuvre dans la même voie que Pereire, pourrait-on dire puisqu'il essaie à sa manière d’insérer les sourds dans le milieu entendant. Et il enseignera même la parole à certains élèves, dans certaines conditions.
Mais de l’Epée cherche vraiment à instruire les sourds beaucoup plus qu’à les intégrer sans doute ; c’est cette noble intention qui fera en sorte qu’il utilisera la langue naturelle des sourds (la langue des signes), pensant pouvoir l’améliorer avec sa méthode, pour permettre aux sourds d’accéder aux connaissances, les mêmes que celles des entendants.
Est-ce cette intention-là qui fera la notoriété de l’abbé ?


- L’aspect révolutionnaire de l’abbé de l’Epée est lié à son époque, à l’esprit de son époque, et au fait qu’il était lui-même influencé par cet esprit révolutionnaire.
C’est une donnée importante parce que, cet homme qui sera encore vénéré des siècles après, avait prédit l’émancipation des sourds… avait envisagé une langue gestuelle universelle capable de mettre fin aux guerres linguistiques très présentes déjà à l’époque et, dans un certain sens, mettre fin aussi aux guerres idéologiques nationalistes… il envisageait cela pour l’Europe au moins… En cela, on serait tenté de dire qu’il avait vu l’union européenne cimentée dans un langage universel rassembleur des minorités ? Peut-être…
C’est en rupture, bien nette, avec la docilité totalitaire du « domaine privé » qui cherche avant tout l’intérêt personnel et économique, le maintien du prestige déjà en place… et le contrôle social, le nivellement des différences par le bas…

Cet avant-gardisme chez l’abbé n’est pas mis en évidence quand on parle de l’histoire des sourds… serait-il occulté ? Pourquoi ?

Au lieu de ça, on présente généralement l’abbé comme un religieux qui cherche à instruire les sourds aux préceptes chrétiens… c’est vrai aussi… mais comment donc les hommes le vénèrent-ils tout en réduisant son apport et son action à presque rien ?!
C’est pourtant crucial puisque, grâce à de l’Epée et ensuite à Sicard, Massieu et Clerc vont exporter le modèle français qui sera adapté aux Etats-Unis par Thomas Hopkins Gallaudet et à sa suite son fils Edward Miner Gallaudet.
Tout l’aspect révolutionnaire va quitter la France et se loger en Amérique, pour ainsi dire.
Les « penseurs-poètes » (Massieu et Clerc), dignes représentants de la finesse et de la sensibilité de l’élite sourde, iront vivre la liberté… sans attendre que les rationalistes fassent la paix avec leurs concepts et leurs catégories dévalorisantes, leur volonté de contrôle et de domination de la nature par la technique…
Les premiers adopteront sans tarder la "libre gestualité" et le bilinguisme tandis que les autres essaieront de parvenir à des compromis difficiles entre les langages codés (français signé, etc.), la langue des signes retrouvée et codifiée, et une tentative de bilinguisme tardif...
La polémique « oralisation / gestualité » va continuer à sévir et à diviser l’Europe, qui finira par s’embourber dedans, alors que l’Amérique bénéficie de l’aspect révolutionnaire imprimé par de l’Epée… édifie un collège qui deviendra la première université au monde réservée aux sourds (Gallaudet University), respectant totalement la langue des signes comme moyen d’instruction, d’éducation et de communication… d'émancipation...

Quand on analyse les faits, on perçoit avec limpidité que l’essor d’une élite sourde en Amérique est pour une bonne part le fait de l’abbé de l’Epée
Cet homme n’a pas sauvé les sourds de la soi-disant bêtise dans laquelle ils étaient mais plutôt il aurait permi la diffusion, l'usage indirecte et la sauvegarde de la langue des signes naturelle des sourds... il l'aurait sauvé de l’ignorance rationalisée des entendants…
Cet homme n’a pas créé une méthode mais une manière d’amener la communauté sourde à la conscience du monde entendant ; grâce à la gestualité et à la raison, unifiées dans un langage qu’on dirait proche d’un « français signé »…
Les « signes méthodiques » étaient une sorte de passerelle qui fut nécessaire pour faire en sorte que les deux mondes puissent enfin se rencontrer…
La création de ces « signes méthodiques » est l’œuvre qui a permis de sauvegarder la communauté des sourds de l’oralisation naissante et grandissante de l’époque, c’était comme un passage obligé entre la gestualité à l’état pur (la langue naturelle des sourds) et la grammaire rationaliste du monde entendant…
…un passage obligé car le monde des entendants n’étaient pas du tout prêt à appréhender la richesse et l’autonomie de la langue naturelle des sourds… en cela, l’abbé n’a fait aucune erreur… bien au contraire… à son insu ou pas, d’ailleurs.
L’abbé a créé cette passerelle, porteuse aussi d’une reconnaissance sociale, d’un statut social, édifiant une place pour la personne sourde… bien qu’il faudra attendre Bebian, puis Clerc et Gallaudet pour une réelle compréhension, acceptation et reconnaissance de la langue naturelle des sourds et de leur communauté…

L’émancipation des sourds passe par cette expérience américaine… et… celle-ci est intimement liée à l’esprit révolutionnaire incarné en l’abbé de l’Epée





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