Ce blog est en partie constitué de témoignages issus du forum de la F.F.S.B.

Langage eugéniste


Le changement radical de perspective sur la nature et la place de l’homme dans l’univers introduit par Darwin (1809-1882) est probablement encore plus lourd de conséquences que le décentrement copernicien.



Darwin anticipait parfaitement les implications religieuses, éthiques et sociales de ses hypothèses concernant l’évolution de la vie et, surtout, l’apparition de l’homme. Et ce qu’il prévoyait n’allait pas sans l’inquiéter. Sans doute est-ce l’une des raisons pour lesquelles la question de l’homme n’est pas traité dans l’origine des espèces. Il faudra attendre pour cela l’ouvrage de 1871 : The descent of man, and selection in relation to sex.

En 1859, Darwin, après vingt ans d’hésitation, publia son livre : « On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life »
Le succès fut immense : la première édition fut épuisée le jour même de la parution. Tout en soulignant l’originalité de son œuvre, Darwin reconnaît ses dettes. Parmi celles-ci, la plus décisive ne semble pas devoir aller vers un naturaliste, mais bien vers un économiste : Thomas Robert Malthus (1766-1834).
Selon celui-ci, une population augmente toujours plus vite que les moyens de subsistance (la production de biens). Ce fait entraîne inévitablement la lutte pour l’existence et la survie du plus fort. L’idée d’une sélection des plus aptes par la lutte pour la vie se trouve donc déjà énoncée et appliquée à la société humaine.
Malthus estimait que la seule solution était le contrôle des naissances, grâce à l’abstinence, spécialement dans les classes défavorisées plus prolifiques et moins armées pour la lutte pour la vie. Il déconseillait l’assistance sociale qui aggrave le problème au lieu de le résoudre. Certaines idéologies issues du darwinisme ne cesseront de revenir à ces idées de base pour les radicaliser.

« il semble complètement impossible de juger de la supériorité relative des types de classes distinctes ; car qui pourra, par exemple, décider si une seiche est plus élevée qu’une abeille(…) Dans la lutte complexe pour l’existence, il est parfaitement possible que des crustacés, même peu élevés dans leur classe, puissent vaincre les céphalopodes, qui constituent le type supérieur des mollusques (…) Nous voyons par là combien il est difficile, pour ne pas dire impossible, de comparer le degré de supériorité relative des organismes imparfaitement connus qui ont composé les faunes des diverses périodes successives »
L’origine des espèces

Depuis deux ou trois décennies la capacité technique de contrôle et de modification directe du génome humain des êtres vivants n’a cessé de croître. Même si Darwin ne pouvait d’aucune manière anticiper la possibilité précise, celle-ci était inscrite d’une certaine manière au cœur de son ambition théorique. En effet, d’une part, son modèle heuristique, source d’inspiration première, était la sélection artificielle (élevage, agriculture, horticulture), c’est-à-dire déjà l’intervention humaine créatrice dans l’évolution ; d’autre part, sa volonté même d’élaborer une biologie scientifique sans finalisme, attachée exclusivement à la détermination des causes efficientes et mécaniques, devait déboucher, en cas de succès du projet, sur des possibilités et des démarches opératoires du manipulation du vivant. Dès lors que l’on connaît l’enchaînement de la cause et de l’effet, rien n’interdit d’essayer de modifier la cause pour modifier et contrôler l’effet. Dès lors que l’on postule que l’évolution est un ensemble de processus aléatoires et aveugles, rien n’interdit d’y intervenir et de l’infléchir localement dans un sens ou un autre. Rien n’interdit d’introduire des finalités (humaines) là où le hasard règne. Pourquoi ne pas modifier génétiquement plantes et animaux afin de les doter de telles ou telles caractéristiques et suivant les but décidés par des êtres humains ?
Pourquoi ne pas appliquer ce savoir-faire aussi à l’homme lui-même, « naturalisé » par la science darwinienne et de plus en plus « opérable » par les biotechnologies et les technosciences biomédicales ? Pourquoi ne pas supprimer ainsi, éventuellement d’une manière héréditaire, des maladies d’origine génétique ?
Pourquoi, et nous arrivons alors à la question de l’eugénique, ne pas manipuler le génome humain afin que les individus présentent telles ou telles caractéristiques souhaitables ?
Toutes ces questions et beaucoup d’autres se posent aujourd’hui dans un champ de réflexion nouveau, interdisciplinaire, complexe, dont les enjeux philosophiques, théoriques et pratiques (éthiques et politiques), sont très importants. Ce champ est communément appelé « bioéthique »
Il ne s’agit plus tant, avec ces interrogations, de problèmes et de théories scientifiques, que de pratiques et d’idéologies. Mais le darwinisme a été très tôt sollicité par des penseurs qui songeaient à l’organisation et à l’évolution de la société des hommes, et pas du tout à la description et à l’explication des transformations des plantes et des animaux.

Le darwinisme social consiste à prétendre qu’il faut laisser s’exercer librement la compétition entre les êtres humains, car la lutte éliminera les individus inférieurs, qui freinent l’évolution et donc le progrès, et assurera le triomphe des individus supérieurs moteurs de la société et de l’avenir.
Il faut « laisser-faire », particulièrement dans le domaine économique, qui ne doit pas être entravé par des politiques d’inspiration sociale et morale. Assistance sociale et charité chrétienne sont également récusées, non seulement comme irréalistes (puisqu’elles ne tiennent pas compte de la loi de l’évolution), mais en définitive, aussi comme immorales, car contre-productives, contraires au progrès et à l’avènement d’une société meilleure peuplée d’individus supérieurs.
Il faut replacer le darwinisme social dans la société anglaise du XIXe siècle, secouée par les conséquences de la Révolution Industrielle, ainsi que dans la tradition foncièrement anglo-saxonne du libéralisme économique remontant à l’ouvrage fondateur d’Adam Smith (1723-1790)

Les idées de Darwin, et de tous ceux qui ont marqué le progrès des sciences de l’Evolution, ont connu et continuent de connaître bien des sollicitations et des dérives en directions d’idéologies racistes et eugénistes, notamment.








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