Ce blog est en partie constitué de témoignages issus du forum de la F.F.S.B.

L'Ancien Langage


Le langage d’un mythe poétique anciennement admis dans l’Europe méditerranéenne et septentrionale fut un langage magique rattaché aux cérémonies religieuses populaires (certaines datant du paléolithiques) en l’honneur de la Déesse-Lune ou d’une muse : ceci demeure le langage de la vraie poésie.
« Vraie » dans le sens nostalgique moderne d’un original inaméliorable.

Ce langage fut corrompu au temps du minoen récent lorsque les envahisseurs venue de l’Asie centrale commencèrent à substituer des institutions patriarcales aux matriarcales et à remodeler ou à falsifier les mythes pour justifier les bouleversements sociaux.

Vinrent alors les premiers philosophes grecs (Socrate et après lui) qui s’opposèrent vigoureusement à la poésie magique accusée de menacer leur nouvelle religion de la logique.
Sous leur influence, un langage poétique rationnel (celui que nous appelons à présent classique) fut élaboré en l’honneur d’Apollon et imposé de par le monde comme le dernier mot en matière d’illumination spirituelle. C’est une conception qui n’a pas cessé de prévaloir dans les écoles et universités européennes où l’on étudie à présent les mythes seulement comme d’élégantes reliques d’une enfance de l’humanité.

Ce fut surtout Socrate (469-399 av.J.-C.) qui rejeta sans compromis la mythologie de l’ancienne Grèce. Les mythes l’effrayaient et l’offensaient. Il préféra leur tourner le dos et obligea son esprit à penser scientifiquement « en cherchant la raison de chaque chose, de chaque chose telle qu’elle est et non telle qu’elle apparaît, et en rejetant toute opinion dont on ne peut avancer la raison »
C’est un fait qu’au temps de Socrate le sens de nombreux mythes appartenant à l’époque précédente était ou bien oublié ou bien dissimulé comme un secret ésotérique. Pourtant on les utilisait encore dans la statuaire, dans l’art religieux et littéralement sous la forme de contes à quoi se référaient les poètes.

Invité à croire à la chimère, aux centaures, ou au cheval ailé Pégase, autant d’orthodoxes symboles cultuels pélasges, un philosophe sentait que la limite était atteinte. Il les rejetait comme des improbabilités zoologiques.




On peut déduire du ton acerbe de Socrate qu’il avait du passer un sérieux bout de temps à se tourmenter sur la chimère, les centaures et le reste, mais que « les raisons de leurs existences » lui avaient échappé parce qu’il n’était pas du tout poète et qu’il se défiait des poètes et enfin parce que, comme il l’admettait devant Phèdre, c’était un urbain invétéré qui ne visitait que rarement les campagnes : « les champs et les bois ne m’apprennent rien ; seuls les hommes m’apprennent quelque chose » Or l’étude de la mythologie est nettement fondée sur la science des arbres et sur l’observation saisonnière de la vie aux champs.
Socrate, tournant le dos aux mythes poétiques, tournait réellement le dos à la Déesse-Lune qui les avait inspirés et qui réclamait que l’homme rendît à la femme un hommage spirituel et sexuel. Ce que l’on appelle l’amour platonique, dans lequel le philosophe se soustrayait au pouvoir de la Déesse par l’homosexualité intellectuelle, était en réalité de l’amour socratique. Et Socrate ne pouvait pas plaider l’ignorance, la Déesse l'avait averti.
Socrate essayait de se connaître lui-même dans le style apollonien (*) au lieu d'en laisser le soin à une femme ou à une maîtresse.

C’était l’intelligence mâle essayant de se rendre spirituellement suffisante à elle-même.

Cependant, même après qu'Alexandre le Grand eut tranché le noeud gordien (un acte d'une signification morale bien plus grande qu'on ne le réalise généralement) l’ancien langage survécut, sous une forme assez pure, dans les cultes sacrés des mystères d’Eleusis, de Corinthe, de Samothrace et d’ailleurs. Et lorsque ceux-ci furent supprimés par les premiers empereurs chrétiens, on l’enseignait encore en Irlande et au pays de Galles et dans les réunions de sorcières de l’Europe de l’Est.
Si l’on peut encore écrire occasionnellement une poésie de qualité magique, même dans l’Europe industrialisée, cela résulte d’un retour inspiré, presque pathologique, au langage originel (une sorte de sauvage don des langues de la Pentecôte) plutôt que d’une étude consciencieuse de sa grammaire et de son vocabulaire.

Il est dommage que, malgré la présence d’un important appareil mythique dans la tradition chrétienne, le terme « mythique » en soit venu à signifier « imaginaire, absurde, non historique »
En réalité l’imagination ne joua qu’une part négligeable dans le développement des mythes grecs, latins et palestiniens, ou dans celui des mythes celtes jusqu’à ce que les trouvères franco-normands les eussent trafiqués en irresponsables romans de chevalerie. Ce sont tous des témoignages sérieux d’anciennes coutumes ou de circonstances religieuses.

La fonction de la poésie est l’invocation religieuse de la Muse. L’usage de la poésie est déterminé par l’expérimentation d’un mélange d’exaltation et d’horreur que sa présence suscite. Mais « de nos jours » ? Fonction et usage demeurent les mêmes ; l’application seule change.
Elle pouvait passer autrefois pour un avertissement donné à l’homme, selon lequel il devait rester en harmonie avec la famille des créatures vivantes parmi lesquelles il était né, et cela par obéissance aux désirs de la maîtresse de ce logis.
C’est à présent un rappel comme quoi il a dédaigné l’avertissement, bousculé sa maison sens dessus-dessous par de capricieuses expériences en philosophie, science et industrie, et attiré la ruine sur lui-même et sa famille.
« De nos jours » désigne une civilisation dans laquelle les premiers emblèmes de la poésie sont déshonorés ; dans laquelle le serpent, le lion et l’aigle appartiennent au chapiteau du cirque, le bœuf, le saumon et le cochon à la boîte en fer blanc, le cheval de course et le lévrier au pari mutuel et le bosquet sacré à la scierie ; dans laquelle la Lune est réduite au rôle d’un satellite éteint de la Terre et la femme comptée comme « personnel auxiliaire de l’état » ; dans laquelle l’argent peut acheter presque tout, sauf la vérité, et presque tout le monde, sauf le poète possédé par la vérité.




Sous le règne d'Auguste (63-14 av. J.-C.), des sourds doués de talents extraordinaires se firent remarquer par l'élégance de leurs gestes naturels, car à cette époque la pantomime devint un art de premier ordre et se répandit promptement en Grèce et en Italie : elle rendait des poèmes entiers à l'aide de gestes seulement.
Cassiodore, homme politique et écrivain latin (v.480-v.575), les appelait "les sourds, des hommes qui parlaient la bouche fermée, et faisaient entendre, par des gestes, ce qu'à peine pourrait exprimer le discours ou l'écriture ; des hommes dont les mains éloquentes portaient une langue à chaque doigt ; dont le silence avait une voix, et qui, sans parler, exprimaient clairement leurs pensées"

Grâce aux mimodrames, les sourds, en révélant de l'intelligence, firent abolir les lois de proscription édictées contre eux. Cependant, on ne les reconnaissait pas encore capables de gérer leurs affaires.






________________________
(*) : Apollon accéda au rang divin par la force des armes, par l'imposition de tribus et par des supercheries, et cela jusqu'à devenir patron de la musique, de la poésie et des arts. Il ôta à Zeus (son Père) la souveraineté de l'univers en s'identifiant lui-même à Bélinus, le dieu intellectuel de la lumière.




- Page précédente - Page suivante -

Aucun commentaire: